Gérer un conflit au travail : les conseils d’une psychologue du travail
- cpapsychologue
- 27 oct.
- 6 min de lecture

Il arrive un moment où les tensions au travail deviennent trop lourdes. Les échanges se crispent, la communication se détériore, et ce qui semblait anodin au départ finit par peser chaque jour un peu plus. Beaucoup de salariés se reconnaissent dans cette situation : un désaccord persistant avec un collègue, une mésentente avec un manager, ou simplement le sentiment d’évoluer dans un climat tendu où chacun marche sur des œufs.
En France, près de sept salariés sur dix déclarent avoir déjà été confrontés à un conflit sur leur lieu de travail (DARES, 2022). Selon une étude OpinionWay (2022), ces tensions représenteraient en moyenne trois heures par semaine perdues par salarié, soit l’équivalent de vingt jours par an, pour un coût estimé à 152 milliards d’euros pour les entreprises françaises. Au-delà des chiffres, ce sont surtout des personnes qui s’épuisent à tenter de « tenir », à éviter les confrontations ou à supporter un climat délétère.
Quand ces situations deviennent récurrentes, elles peuvent altérer la motivation, la confiance en soi et parfois même la santé mentale. Dans ces moments-là, consulter un psychologue du travail peut aider à comprendre ce qui se joue, à prendre du recul et à retrouver une position plus apaisée et constructive.
Quels sont les types de conflits au travail ?
Comprendre les différents types de conflits permet de mieux identifier ce qui se joue dans une situation tendue et de choisir la bonne approche pour y répondre.
Les conflits personnels : ces conflits surviennent à l’intérieur de la personne, lorsqu’un salarié est tiraillé entre ses valeurs personnelles, ses besoins ou ses attentes et les exigences de son poste. Par exemple, un employé peut ressentir un dilemme éthique ou manquer de sens dans ses missions. Les conflits personnels sont reconnus comme un facteur de stress professionnel et de burnout (Spector & Jex, 1998).
Les conflits interpersonnels : ils apparaissent entre deux personnes ou plus et sont souvent liés à des différences de personnalité, de style de communication ou de priorités dans le travail. Ces conflits peuvent rapidement affecter la motivation, la satisfaction et le climat relationnel au sein de l’équipe (Rahim, 2002).
Les conflits organisationnels : ces conflits impliquent des équipes, des services ou des départements entiers, souvent en raison de divergences d’objectifs, de compétition pour des ressources limitées ou de différences culturelles et de valeurs au sein de l’organisation. Ils peuvent avoir un impact important sur la productivité, le climat organisationnel et la cohésion des équipes (Jehn, 1995 ; De Dreu & Van Vianen, 2001).
Pourquoi les conflits surviennent-ils ?
Les conflits au travail n’apparaissent pas sans raison. Ils sont souvent le résultat d’un ensemble de facteurs individuels, relationnels et organisationnels qui se combinent au fil du temps.
Comprendre ces causes permet de mieux gérer les tensions et de limiter leur impact sur le bien-être et la performance :
Communication déficiente : une communication floue, incomplète ou mal interprétée est une cause fréquente de conflits. Un mail mal formulé, une instruction ambiguë ou une remarque perçue comme critique peut rapidement créer des tensions (Rahim, 2002). Les malentendus répétitifs sont particulièrement toxiques, car ils renforcent la méfiance et l’insatisfaction.
Divergences d’objectifs ou de priorités : lorsque les objectifs individuels ou collectifs ne sont pas alignés, des désaccords apparaissent. Par exemple, un service axé sur la rapidité peut entrer en conflit avec un autre privilégiant la qualité. Cette divergence d’objectifs est une source classique de tensions organisationnelles (Jehn, 1995).
Stress et pression professionnelle : une charge de travail excessive, des délais serrés ou un climat social tendu augmentent le stress et peuvent favoriser les réactions conflictuelles. Le stress altère la perception des situations et rend les individus plus sensibles aux frustrations (Spector & Jex, 1998).
Manque de reconnaissance ou d’équité : se sentir ignoré ou traité injustement nourrit la frustration et peut conduire à des conflits ouverts ou larvés. La perception d’injustice est un facteur psychologique puissant à l’origine de tensions durables (De Dreu & Van Vianen, 2001).
Différences de valeurs, de culture ou de personnalité : des divergences de valeurs, de croyances ou de modes de travail peuvent créer des malentendus et amplifier les tensions. Les conflits liés aux différences de personnalité ou de style de communication sont fréquents et souvent difficiles à résoudre sans médiation (Rahim, 2002).
Ambiguïté des rôles et responsabilités : le flou dans la définition des responsabilités, les chevauchements de tâches ou le manque de clarté organisationnelle favorisent les conflits interpersonnels et intergroupes. Les salariés peuvent se sentir déstabilisés, frustrés ou en compétition pour les mêmes ressources (Jehn, 1995).
Comment gérer un conflit au travail ?
Face à un conflit, la première réaction est souvent émotionnelle : colère, frustration, sentiment d’injustice, parfois peur. Ces réactions sont naturelles. Pourtant, la manière dont on répond à ces tensions détermine en grande partie leur évolution. Il ne s’agit pas d’éviter le conflit à tout prix, mais d’apprendre à le comprendre, le réguler et, si possible, le transformer. La recherche montre que certains réflexes "observer, comprendre, ajuster" permettent de transformer le conflit en levier d’apprentissage plutôt qu’en source d’épuisement.
1) Prendre du recul : l’auto-observation émotionnelle
Avant d’agir, il est essentiel de reconnaître ses propres émotions. Des études montrent que la régulation émotionnelle est un facteur clé pour prévenir l’escalade des conflits (Gross, 1998).
🧠 Exercice pratique : noter sur une feuille ce que l’on ressent, puis ce que l’on pense de la situation. Cette distance cognitive, issue des techniques de mindfulness (Kabat-Zinn, 1994), aide à distinguer le fait de l’interprétation et à apaiser la charge émotionnelle.
2) Clarifier les besoins et les enjeux
Les conflits sont souvent le symptôme de besoins psychologiques non satisfaits (reconnaissance, autonomie, sécurité, équité). La théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2000) montre que ces besoins fondamentaux motivent nos comportements.
🧩 Exercice pratique : se demander : « Qu’est-ce que je cherche à protéger ou à obtenir dans ce conflit ? »Cette réflexion favorise la compréhension mutuelle et transforme le désaccord en discussion constructive.
3) Adopter une communication assertive
L’assertivité est une compétence relationnelle démontrée pour réduire les tensions au travail (Rahim, 2002).Elle consiste à exprimer clairement ses émotions et ses besoins sans agresser ni se soumettre.
🗣️ Outil pratique : la méthode DESC (Bower & Bower, 1991) :
Décrire les faits objectivement,
Exprimer son ressenti,
Spécifier ce que l’on souhaite,
Conclure positivement sur la relation.
Cet outil est enseigné dans de nombreuses formations en régulation des conflits organisationnels.
4) Chercher la coopération
Les travaux de Thomas et Kilmann (1974) ont mis en évidence cinq styles de gestion de conflit : compétition, évitement, accommodation, compromis et collaboration.Le style collaboratif, fondé sur la recherche d’une solution mutuellement satisfaisante, est associé aux relations les plus durables et aux équipes les plus performantes (Jehn, 1995).
💡 Conseil pratique : reformuler les positions des deux parties en objectifs communs (par exemple : « Nous voulons tous deux améliorer la fluidité du travail »).
5) Préserver son équilibre psychologique
Un conflit prolongé peut épuiser. Les pratiques de pleine conscience et de cohérence cardiaque ont montré leur efficacité pour réduire la réactivité émotionnelle et restaurer la concentration (Hülsheger et al., 2013).
🌿 Exercice pratique : la respiration 365 (David O’Hare, 2012)→ 3 fois par jour, 6 respirations par minute, pendant 5 minutes. Cette pratique agit sur le système nerveux autonome et favorise un retour au calme.
6) Solliciter un tiers neutre
Lorsqu’un conflit dépasse les capacités de régulation des acteurs, la médiation est une approche recommandée. Les recherches montrent que la présence d’un tiers neutre (manager formé, RH ou psychologue du travail) favorise la restauration du dialogue et la compréhension des besoins réciproques (De Dreu, 2008).
À retenir : Résoudre un conflit, ce n’est pas « gagner » ou « perdre », mais restaurer une communication saine. Les stratégies mentionnées ci-dessus, issues de la littérature en psychologie, aident à sortir du réflexe défensif pour redevenir acteur de la situation.
Conclusion - Quand et pourquoi consulter un psychologue du travail ?
Les conflits au travail font partie de la vie professionnelle. Ils deviennent problématiques lorsqu’ils s’installent, se répètent ou commencent à altérer le bien-être, la motivation ou la santé. Un désaccord ponctuel peut se résoudre avec du dialogue ; mais lorsqu’il s’accompagne de tensions constantes, d’une perte de confiance, ou d’un sentiment d’injustice persistant, il peut être utile d’en parler à un professionnel.
Le psychologue du travail intervient précisément à ce moment-là. Son rôle n’est pas de « prendre parti », mais d’aider à comprendre les mécanismes du conflit, à mettre du sens sur ce qui se joue, et à retrouver des leviers d’action personnels et collectifs. Par un travail d’analyse du contexte, des valeurs et des émotions en jeu, il accompagne la personne vers une meilleure régulation de ses relations professionnelles et un positionnement plus juste.
Consulter ne signifie pas « ne pas savoir gérer ». C’est au contraire une démarche de lucidité : celle de reconnaître qu’une situation génère un coût psychique ou émotionnel trop lourd pour être portée seul. La recherche montre d’ailleurs que l’accompagnement psychologique favorise la restauration du sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1997) et diminue significativement le stress perçu au travail (Richardson & Rothstein, 2008).
Enfin, le travail sur soi engagé à travers ce type de démarche dépasse souvent le seul conflit initial. Il permet de renforcer ses compétences relationnelles, de mieux poser ses limites, et de redonner du sens à sa trajectoire professionnelle, autant de facteurs essentiels à la santé psychologique au travail.
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C'est le moment de prendre soin de vous !



